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M.M

Exclusion sociale : une question d’accès au droit

Le terme d’exclusion sociale voit le jour en 1974 dans le livre Les Exclus de René LENOIR. Il concerne la “non-réalisation des droits sociaux de base garantis par la loi” (droits détaillés dans le préambule de la Constitution de 1946), concept inexistant jusqu’à lors. Seule existait la notion de “retrait social” désignant une “pauvreté essentiellement économique”. Jean-Paul DELEVOYE introduit plus tard le terme d’exclusion du droit quand mis face à face aux populations souffrant de pauvreté ou d’exclusion qui malgré leur éligibilité ne sollicitent pas les prestations auxquelles elles ont droit, phénomène croissant appelé le “non-recours”.



Dans les années 1980, le terme “exclusion” est plus utilisé afin de décrire les résultats des radicaux changements économiques, industriels et sociaux qui se déroulaient à l’époque. Ces changements comprenaient le chômage répété ou de longue durée, l’instabilité familiale, l’isolation sociale et le déclin des réseaux sociaux de proximité. L’exclusion sociale était vue comme la résultante de l’absence d’emploi et de l’absence de liens sociaux, en particulier familiaux. Aujourd’hui la notion d’exclusion a grandement élargi sa définition afin d’inclure l’aspect de de non accès aux droit. En effet, nous pouvons utiliser le terme d'exclusion sociale à partir du moment où un individu se trouve en situation de déni de droits politiques, civils, sociaux, économiques et culturels. L’origine de l’exclusion dépasse donc le simple aspect économique. L’exclusion ou la question de l’accès aux droits fondamentaux sont liés à des situations diverses comme : l’absence d’emploi, l’isolement social, l’instabilité familiale, l’accès à un environnement digne ou encore l’accès aux soins. C’est donc un ensemble de critères qui viennent définir ce que nous considérons dans notre société comme des droits fondamentaux.


Dans un contexte de crise économique et sociale, nous pouvons nous demander comment se crée cette situation d’exclusion massive que nous connaissons aujourd’hui, situation que nous pouvons souvent observer dans des zones dites “isolées” comme les quartiers populaires de nos grandes villes, nos zones rurales mal desservies ou encore dans nos villes en baisse démographique. Les Nations Unies reconnaissent aujourd'hui que l’exclusion sociale est directement lié à un échec dans les systèmes sociaux, communautaires et familiaux.


La question de l’exclusion est large et pour la comprendre il est important de revenir sur l’observation des Nations Unies. Une personne exclue est une personne isolée d’un ou plusieurs cercles de connaissance. Nous avons donc décidé de tout d’abord nous intéresser au niveau familial, soit une approche individuelle de cet isolement. Nos observations ont majoritairement été réalisées à Vaulx-en-Velin et dans le quartier de Guillotière. Il est important de comprendre que pour beaucoup de personnes vivant dans ces endroits, l’isolement est multiple. Il peut être : géographique via le manque de transport au centre-ville de Lyon, culturel par un taux d’échec plus élevé dans le système scolaire ou encore relationnel, ce qui peut entre autre s'expliquer par une densité de bâtis très élevée ou encore par un manque d’équipement public propice à la rencontre.

Dans de nombreux cas, le cumul de ces types d’isolement va entraîner un effet boule de neige où l’individu concerné aura tendance à se renfermer sur lui-même, au point de devenir hermétique à de nombreux codes sociaux nécessaires à la vie en société. Un des exemples les plus observables est le manque d’outils de certaines personnes face aux démarches administratives et bureaucratiques. Ces nécessités peuvent paraître anodines pour bon nombre de personnes mais elles restent cruciales pour s’intégrer à la société dans sa globalité. Cela peut passer par l’ouverture d’un compte bancaire pour un demandeur d’emploi, par l’application parcoursup pour un jeune ou encore par la demande de RSA pour une mère au foyer. Ce type d’isolement est discret, induit et très peu souvent affirmé par l’individu tant ce manque peut être difficile à avouer. C’est ainsi que certaines structures entrent en jeu pour combler ces manques et pour aider les personnes dans un besoin pressant d’accompagnement. Parfois, ces structures ont une approche de médiation et de diffusion afin d’aider les personnes les plus isolées à identifier et résoudre des problématiques qu’elles rencontrent.



Parmi ces structures, nous pouvons compter la Clinique de la médiation, qui vise à accompagner les personnes en situation de litige ou en besoin d’orientation en cas de problème face à une démarche administrative. Il existe également les Défenseurs des droits, qui sont des travailleurs sociaux qualifiés par l’Etat afin d’aider et conseiller en cas de manque constatés aux droits fondamentaux. Ces derniers peuvent, par exemple, accompagner quelqu’un ayant subi des propos racistes sur son lieu de travail afin d’obtenir gain de cause. Ils peuvent également intervenir en délivrant un constat admissible comme preuve en cas de démarche juridique face à un juge, comme la demande d’un logement social ou d’une régularisation d’un mineur isolé. Finalement, il existe aussi les écrivains publics, qui sont des gens de tous horizons ayant décidé de mettre leur temps et compétences à disposition de personnes faisant face à un besoin d’aide pour diverses démarches écrites. Cela peut aussi bien être une demande d’aide sociale, une demande de subvention ou encore une simple lettre d’amour à un être cher. L’ensemble de ces structures ou individus que nous avons rencontré nous ont prouvé que des gens sont là et seront toujours là pour aider les personnes les plus isolées dans leur reconnexion à la société.


D’autres types de structures agissent directement contre l’exclusion communautaire. Elles interviennent ainsi sur les relations entre les habitants qui ont un certains nombres d'intérêts communs, tel que : leurs lieux de vies, leurs pratiques religieuses, leurs rites culturels ou encore leurs activités professionnelles. Les meilleurs exemples de ce type de structure sont : les Centres Sociaux, les Maisons de la Jeunesse ou les associations d’habitants de quartier. Ces structures ont pour but d’organiser des événements et activités destinés à favoriser la rencontre entre les citoyens, tout en créant des lieux de vie et de rencontre. Ces événements sont très importants pour la vie d’un quartier, d’un village ou encore d’une ville, car c’est pendant ces moments particuliers que les liens d’entraide et de solidarité se créent. Ce sont également lors de ces rencontres que des liens de confiance se forment à travers la formation d’un tissu d’interconnaissance entre les habitants d’une même zone. Ce qui est une des meilleurs manières pour lutter contre l’exclusion et les effets néfastes de l’individualisme.



Pour finir la question de l’exclusion doit également être étudiée sous le prisme de la construction sociétale. Il est important de comprendre que certains individus se retrouvent en situation d’isolement et d’anomie par cause de dysfonctionnements structurels comme ça pourrais être le cas suite à une crise économique et à une hausse du chômage. En ce qui concerne la métropole lyonnaise, nous avons pu constater qu’un dysfonctionnement particulier est responsable de l’isolement de beaucoup d'individus : l’accès au logement. Nous avons eu l’occasion de traiter cette question à travers divers articles tel que : l’accès aux logements pour les étudiants étrangers ou l’accompagnement des écrivains publics pour les démarches administratives. Comme nous avons pu l’expliquer plus haut, un certains nombres de structures et d’individus viennent pallier à ces situations d’isolements communautaires et individuels, ce qui permet d’améliorer les dynamiques sociales du territoire. Mais il est important de comprendre comment nous pouvons agir sur les situations d’isolements dûs aux phénomènes structurels. Les politiques de restructuration urbaines en sont un parfait exemple, la hausse démographique ajoutée à des prix élevés du foncier dans un contexte de forte attractivité tendent à enclencher la transformation de certains quartiers.


Le quartier de Guillotière en est le parfait exemple, cette zone qui a pendant longtemps subis les préjugés et la méfiance du reste de la métropole, se voit aujourd’hui devenir l’un des centres attractif de Lyon. La proximité à la presqu'île, les aménagements des quais ou la multiplication de commerces sont autant d’arguments qui porte cette transformation sociale et structurelle du quartier. Les villes et les quartiers se transforment, ils évoluent au rythme de la vie qui résonne dans les rues, ces changements sont naturels et prennent place aux fils des années. Parfois aussi, les villes connaissent une transformation accélérée pour cause d’agenda politique ou pour des raisons économiques. Comme nous l’a expliqué un membre du collectif “La Guillotière n’est pas à vendre”, c'est dans ce second cas que la situation de la Guillotière se trouve.


En effet, un certain nombre de transformations ont eu lieu lors de ces dernières années. Que ce soit des changements issus de la métropole, des bailleurs sociaux ou encore des commerces, il apparaît clairement qu’une partie des habitants les plus précaires du quartier ne sont aujourd’hui plus les bienvenus. Comme nous avons pu l’expliquer dans un autre article, le collectif de “La Guillotière n’est pas à vendre” représente une lutte contre cette transformation opaque et agressive d’un quartier qui porte de fortes valeurs de métissage et de partage. Leur message clame ainsi haut et fort que la vie de quartier est avant tout faite de rencontre, de partage et d’entraide, et où l’exclusion n’a pas sa place. Pour des quartiers à taille humaine, vivant et altruiste !

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